Le corail noir de Méditerranée

 

Essayez d'imaginer votre surprise, si en plongée vous vous retrouvez au milieu de jardins sous-marins d'un blanc intense. C'est ce qui pourrait vous arriver si vous faites de la plongée profonde. Ces jardins blancs sont constitués de grandes colonies buissonnantes qui atteignent 2 mètres de haut. Elles sont parfois si abondantes qu'elles peuvent former de véritables forêts sous-marines très riches en biodiversité.

Ce sont des jardins de corail noir.

 

 

Oui, le corail noir ... est blanc. Son nom lui vient de la couleur de son squelette (Brun-noir). Il est entouré d'un tissu mou de couleur blanche qui porte des polypes.

Le nom corail noir est trompeur. Outre les possibles confusions*, il existe en Méditerranée sept espèces de coraux noirs appartenant à différentes familles ou genre. Nous nous intéresseront ici qu'a l'espèce susceptible d'être vue pas un plongeur: Antipathella subpinnata.

 

 

A. subpinnata est communément appelé "Corail noir de Méditerranée".
Concernant le nom scientifique, il peut être décomposé de la manière suivante:
- Antipathella: Anti = Contre, Pathos= Douleur. Cela fait référence au fait qu'il était utilisé dans l'antiquité comme anti douleur
- subpinnata: sub = dessous , pinnatus = qui à des plumes. Vient de son aspect plumeux.

 

Les colonies du corail noir de Méditerranée (Donc d'Antipathella subpinnata) se caractérisent par de nombreuses ramifications qui partent dans tous les plans. Elles sont flexibles et adaptées aux forts courants. Dans les zones où les colonies sont nombreuses elles atteignent 1 à 1.5 mètre de hauteur. Ailleurs, là où les colonies sont éparses, elles ne dépassent guère les 40cm.

 

 

Les rameaux portent de petits polypes blanc (< 1mm) disposés sur une rangée le long de l'axe. Ils sont inégalement répartis (Par exemple, ils ne sont pas disposés du même côté de toutes les ramifications et sont moins nombreux à la base de la colonie).

La bouche est au sommet d'un petit cône blanc entouré par 6 tentacules : 4 sont latéraux et proches de la bouche, 2 sagittaux décalés et plus longs. Ces tentacules sont cylindriques avec une extrémité arrondie. Ils capturent ainsi du plancton et autres matières organiques en suspension dans l’eau.

 

 

Cette espèce se rencontre à des profondeurs comprises entre 60 et 150 m. Rarement plus bas bien qu'elle ait été observée à 600 de fond. Elle vit principalement sur des fonds durs, plats ou bien en pente douce, dans des zones à courant fort à modérés. Elle est rarement présente sur les tombants verticaux.

On pense que la température de l'eau est l'un des principaux facteurs de sa distribution vu que cette espèce ne supporterait pas de température supérieure à 15°. Pourtant une étude récente (Godefroid Mathilde et al., 2022), a soumis A. subpinnata a différentes conditions. Cette espèce, n'a montré aucun stress à l’augmentation de la température. Cela suggère donc que d'autres facteurs doivent être pris en compte (Présence de nutriments spécifiques, compétition inter-espèces etc.). Si ce résultat se confirme, ce serait une bonne nouvelle. Cela voudrait dire qu'elle devrait être peu affectée par le réchauffement de la Méditerranée.

 

 

Depuis des siècles les coraux noirs sont exploités pour la joaillerie (En mer Méditerranée depuis l’Empire romain, utilisé alors pour faire des amulettes porte bonheur). Mais vu les difficultés d’identification il est impossible de dire qu'elles espèces ont été le plus récoltées. A l’heure actuelle, à la suite de différents facteurs (Comme les diverses interdictions, la faible valeur commerciale etc.) aucune pèche commerciale n'est connue dans les eaux européennes..

Mais l'impact de la pèche reste quand même préoccupant. Comme je le disais plus haut, les zones sur lesquelles les coraux noirs prospèrent sont très riches en biodiversité et contiennent donc une faune d'intérêt commercial. Si bien que les coraux noirs font fréquemment partie des prises accessoires du chalutage, de la pêche à la palangre et autres pèches.

 

 

Grace aux ROVs (Remotely Operated underwater Vehicle) les études des coraux noirs se font de plus en plus fréquentes. Il a été relevé que ces dernières décennies les coraux de Méditerranée ont souvent subi des mortalités massives. Cela peut être dû à une origine naturelle (Changement climatiques, activité sismique, courants turbides) ou à une origine humaine (Pèche, activités de forage, activités touristiques, pollutions de toutes sortes même terrestre pour les coraux présents dans les eaux peu profondes).

Si bien que de nombreuses espèces de coraux noirs sont considérées comme menacées, et en particulier A. subpinnata qui est classée comme "quasi menacée" sur la liste rouge de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature).

 

 

* Quand j'ai présenté il y a quelques mois la gorgone verruqueuse je voulais dans la foulée enchaîner sur l'anémone buissonante et le corail noir. Mais ces derniers sont dans des lieux difficiles d'accès et les opportunités pour moi d'en ramener des clichés ont été rares. Cela a pris un peu plus de temps que prévu.

J’avais remarqué à l'époque que, dans certains lieux connus pour la présence (dans leurs environs) de corail noir, les rares gorgones verruqueuses avaient tendance à disparaître (Mais pas les autres gorgones). Dans d'autres lieux, moins connus, elles y étaient abondantes. J'en ai conclu que certains idiots les arrachaient pour les remonter pensant remonter une branche corail.

 

En effet, le corail noir peut être facilement confondu avec la gorgone verruqueuse (Du moins par quelqu'un qui n'en a jamais vu).

Gorgone verruqueuse

 

Mais aussi avec l'anémone buissonnante (Mais ici c'est principalement dû à son ancien nom).

Anémone buissonnante